XVIIe et XVIIIe siècles, curés, paysans et loups
Les registres d'état civil existent dans toutes nos mairies. Ils ne datent cependant que de 1792 et ne sont que la continuité des "registres paroissiaux" tenus par les curés où ceux-ci devaient inscrire les baptêmes, mariages et sépultures de leurs ouailles. Ces vénérables volumes sont émaillés de notes sur la météorologie, les évènements, les récoltes, les épidémies ou fléaux divers. Ils regorgent de renseignements sur la vie du curé et de ses paroissiens, renseignements pris sur le vif.
C'est ainsi que l'on peut relever en 1656 les noms de deux bûcherons Hilaire Michaud et François Guilbert "morts dans la rage par la morsure d'un loup enragé, le troisiéme jour de leur mal". Aucun vaccin n'existant à cette époque, les deux malheureux sont trés certainement morts étouffés par leurs proches sous un matelas, comme c'était l'usage, pour éviter leur morsure contagieuse.
En 1768, Marie Marais âgée de douze ans, a été retrouvée morte près de la Maison-Rouge, par le Révérend pére Castillon , religieux de Turpenay : "elle avait été prise à vingt pas de ladite maison et emportée par une bête féroce qui l'a dévorée en partie."
L'année suivante, Jacques Dublineau, six ans, est lui aussi emporté dans les bois des Terreaux : "L'animal a mangé le tout à la réserve de la tête et du corps jusqu'au nombril".
Quelques jours avant, on avait enterré dans le cimétière :
"Quelques ossements qu'on dit être les os d'Antoine Bezanceau, âgé de 18 ans, trouvé à 200 pas au-dessus de la Fosse-Sèche. Ils ont été reconnus au justaucorps et au chapeau."
Que faire pour lutter contre de tels fauves ? On essayait bien de les repousser du fusil ou au moyen d'une arme singulière qui comportait un manche court et un "fer de six à sept pouces" accompagné de deux points aîgues, l'une dirigée vers l'avant l'autre vers l'arriére qu'on appelait "bouteloup", mais ce n'étaient que des palliatifs.
Il fallut attendre l'affaire de la "Béte du Gévaudan" qui secoua tout le royaume entre 1764 et 1767 pour qu'on se décidât à faire des battues générales, appelées "huées". Tous les hommes valides des paroisses fotrestiéres (St Benoit, Rigny-Ussé, Rivarennes et Cheillé) y étaient convoqués. Ils encerclaient un canton de la forêt et rabattaient les loups vers une ligne de chasseurs qui les accueillaient à coups de fusils.
De plus une prime était accordée aux destructions et la chasse aux loups était la délectation particulière des hobereaux du voisinage qui les poursuivaient à courre et à cris, si bien que le nombre des fauves alla en séamenuisant au fil des ans.
Il fallut un siècle pour éliminer tous les loups de la forêt de Chinon. C'est en 1789, année du grand hiver, que le dernier fut tué prés de la Balliére à Cheillé par un paysan qui grimpé sur une "truisse" l'avait attiré en "huchant" dans un sabot !